Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/90

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une étoile enragée, et de tout temps les hommes de prudence l’ont emporté sur les hommes d’audace : c’est ce qui explique comment le grammairien Malherbe a éclipsé Théophile le poëte.

À peu près vers ce temps, Théophile se lia d’amitié avec Balzac l’épistolier, — assez étroitement pour donner lieu à de sottes médisances, ressource ordinaire de la méchanceté qui n’a rien à dire. Ils firent ensemble un voyage en Hollande, au retour duquel ils se brouillèrent ; on ne sait pas positivement la cause de leur rupture. — Un auteur contemporain, le père Goulu, général des Feuillants, dans ses Lettres de Phillarque, dit seulement que Balzac joua un mauvais tour à Théophile ; celui-ci accuse obscurément Balzac de plusieurs actions peu louables. — Il lui reproche d’être envieux, orgueilleux, servile, plagiaire, quinteux et d’humeur bizarre. « Votre visage, dit-il, et votre mauvais naturel retiennent quelque chose de leur première pauvreté et du vice qui lui est ordinaire. — Je ne parle point du pillage des auteurs ; le gendre du docteur Baudius vous accuse d’une autre sorte de larcin. — En cet endroit, j’aime mieux paroître peu clair que vindicatif ; s’il se fût trouvé quelque chose de semblable dans mon procès, j’en fusse mort, et vous n’eussiez jamais eu la peur que vous cause ma délivrance. J’attendois en ma captivité quelque ressentiment de l’obligation que vous m’aviez depuis ce voyage ; mais je trouve que vous m’avez voulu nuire, d’autant que vous me deviez servir, et que vous me haïssez à cause que vous m’avez offensé. Si vous eussiez été assez honnête pour vous excuser, j’étois assez généreux pour vous pardonner ; je suis bon et obligeant,