Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/127

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cela faire un peu la coquette ; je te donne carte blanche, et je me fie à toi complétement. »

Comme vous l’avez pu voir, Florence s’était conformée aux intentions de son amie avec un dévouement et une abnégation rares. — C’était elle qui avait essayé de faire griser par ses domestiques le laquais d’Amine, pour lui reprendre le médaillon ; qui avait envoyé à Rudolph la lettre mystérieuse à laquelle Dalberg devait la vie ; pour servir son amie, elle s’était faite la rivale d’Amine, et Dalberg, retiré par elle des désordres vulgaires où son désespoir l’eût poussé, arrivait au dénoûment pur de toute faute.

Quand le premier étonnement causé à Dalberg par la disparition de Florence fut passé, l’idée du mariage de Calixte avec Rudolph se représenta à son esprit avec plus de force que jamais… et à la poignante douleur qu’elle lui causait il sentit qu’il serait incapable de survivre à une telle catastrophe.

Il courut comme un fou chez M. Desprez pour le supplier de lui pardonner et de revenir sur cette résolution fatale, décidé à se traîner à genoux, à descendre aux plus lâches prières ; M. Desprez était sorti, ou ne voulut pas le recevoir. Henri erra plus d’une heure devant la porte, espérant que l’ex-notaire rentrerait ou sortirait. Il passa plus de deux cents fois sous la fenêtre de Calixte, tâchant de la deviner sous la transparence du rideau ; rien ne bougeait.

Il n’y avait pourtant plus de temps à perdre pour obtenir cette explication suprême, car le contrat devait se signer le lendemain.

Harassé de fatigue morale et physique, il prit une voiture, s’en retourna à la maison des Champs-Élysées, et se jeta sur un divan dans un état de prostration complète.

Il était plus malheureux que jamais ; Calixte allait