Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/127

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à sourire d’un air incrédule. Ne trouvez-vous pas que cela est humiliant pour nous ?

Rodolphe était sur le point de croire que son pressentiment lui avait menti, lorsque la porte d’une loge s’ouvrit tout à coup, et donna d’abord passage à une bénigne et insignifiante figure qui ne pouvait être que la figure d’un mari et ensuite à une dame vêtue d’une robe de velours noir et très-décolletée, qui ne pouvait être que sa femme légitime par-devant le maire et le curé. Elle s’assit, mais de façon à tourner le dos à Rodolphe, qui n’avait pu voir si la beauté de ses traits répondait à celle de ses épaules.

Cette épaule était blanche, mais légèrement teintée de demi-tons olivâtres qui allaient augmentant d’intensité, à mesure qu’ils se rapprochaient de la nuque ; elle était grasse et potelée, mais laissait apercevoir sous la chair une musculature souple et forte, à la manière des épaules italiennes.

Rodolphe était dans une anxiété terrible, et se mourait de peur qu’elle ne détruisît, en se retournant, les belles illusions qu’il commençait à se bâtir ; cependant il aurait donné plus d’argent qu’il ne possédait pour qu’elle changeât de position.

Enfin elle fit un léger mouvement : sa tête commença à tourner avec lenteur sur son corps immobile ; ces trois beaux plis, nommés collier de Vénus et si stupidement supprimés par nos peintres, se dessinèrent plus fortement sur son cou frais et brun ; la tempe, la pommette de sa joue et son men-