Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/135

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Mariette s’approcha.

— Mariette, tu es jolie ce matin.

— Je ne l’étais donc pas hier, que vous le remarquez aujourd’hui ?

— Oh ! de l’esprit ! je te renverrai, si tu t’avises d’en avoir encore. Embrasse-moi.

— De qui monsieur est-il amoureux ?

— De qui ? de toi, pardieu ! parce que tu es une bonne fille, et, ce qui vaut mieux, une belle fille. Pourquoi cette question ?

— C’est que vous ne m’embrassez ainsi que lorsque vous avez en tête quelque belle passion : ce n’est pas moi que vous embrassez, c’est l’autre, et j’avoue que je crois pouvoir l’être pour mon compte.

— Orgueilleuse ! beaucoup de belles dames voudraient être à ta place ; que t’importe de n’être pas la cause, si tu profites de l’effet ?

Et Rodolphe fit pencher jusque sur l’oreiller la tête de Mariette.

— Je t’assure que ceci est pour toi et non pour une autre, dit-il en étouffant sous ses lèvres le faible : Laissez-moi donc, monsieur ! que Mariette crut devoir à sa pudeur, quoiqu’au fond, elle n’eût aucune envie d’être laissée.

La petite chatte, étrangement foulée, sauta à bas du lit, en miaulant d’un ton aigre.

— Et le déjeuner qui ne se fait pas, et M. Albert qui doit venir, dit Mariette en passant ses doigts dans ses cheveux défrisés.