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Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/14

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Je déteste la campagne : toujours des arbres, de la terre, du gazon ! Qu’est-ce que cela me fait ? C’est très-pittoresque, d’accord, mais c’est ennuyeux à crever.

Le murmure des ruisseaux, le ramage des oiseaux, et tout l’orchestre de l’églogue et de l’idylle ne me font aucun plaisir ; je dirais volontiers, comme Deburau au rossignol Tais-toi, vilaine bête !

Ma vie a été la plus commune et la plus bourgeoise du monde : pas le plus petit événement n’en coupe la monotonie ; c’est au point que je ne sais jamais l’année, le mois, le jour ou l’heure. En effet, eh ! qu’importe ? 1833 ne sera-t-il pas semblable à 1832 ? hier n’a-t-il pas été comme est aujourd’hui, et comme sera demain ? Qu’il soit matin ou soir, n’est-ce pas la même chose ? Manger, boire, dormir ; dormir, boire, manger ; aller de son fauteuil à son lit, de son lit à son fauteuil, sans souvenir de la veille, sans projet pour demain ; vivre à l’heure, à la minute, à la seconde, cramponné au moment comme un vieillard qui n’a plus qu’un moment : voilà où j’en suis arrivé, et j’ai vingt ans ! Pourtant j’ai un cœur et des passions, j’ai de l’imagination autant et plus qu’un autre, peut-être. Mais, que voulez-vous ! je n’ai pas assez d’énergie pour secouer cela ; comme tout vieux garçon, j’ai chez moi une servante-maîtresse qui me domine, et fait de moi ce qu’elle veut : c’est l’habitude.

L’habitude qui vous tient au cachot, dans une chambre ouverte, qui vous fait manger quand vous n’avez pas