Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/172

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rodolphe. — Enfant, que voulez-vous que je pense, sinon que vous êtes toute belle et que rien au monde n’est plus charmant ?

madame de m***. — Tu me perds, mon ange, mais je t’aime ! Mon Dieu, mon Dieu ! qui aurait dit cela ?

Ici madame de M*** pencha la tête et cacha son visage entre l’épaule et le cou de Rodolphe. Cette position est habituelle aux femmes, en pareille occurrence ; la grisette et la grande dame la prennent également ; est-ce pour pleurer ou pour rire ? Je pencherais à croire que c’est pour rire ; du reste, cette position développe le cou et les épaules, et leur fait décrire des courbes gracieuses c’est peut-être là le véritable motif pourquoi elle est employée si fréquemment.

Toute cette scène, bien qu’assez inconvenante, n’en est pas plus passionnée pour cela, et il est facile de s’apercevoir que Rodolphe est à cent mille lieues de ce qu’il cherche ; il est vrai qu’il n’y a guère songé, et qu’il s’est laissé aller bêtement et bourgeoisement à l’impression du moment ; il a eu un caprice et des désirs, voilà tout. Madame de M*** est à peu de chose près dans le même cas ; le sang-froid et le repos d’esprit qui percent dans chaque mot qu’ils se disent est une chose vraiment admirable, et suppose, de part et d’autre, l’expérience la plus consommée.

Madame de M*** avait toujours sa tête sur l’épaule de Rodolphe, et celui-ci, après quelques minutes d’inaction, fit cette réflexion judicieuse qu’il n’y