Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/182

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madame de m***. — C’est une fureur ; on s’y porte. Madame de Cercey, qui voulait la voir, n’a pu se procurer une loge que pour la troisième représentation.

rodolphe. — On ira la siffler cent fois de suite, elle tombera trois mois durant, et la caisse du théâtre sera pleine à crever.

le mari. — Qu’est-ce que cela prouve ? Athalie n’a pas eu de succès. Et d’ailleurs, il n’est pas difficile d’attirer le public en ne se refusant aucun moyen, en n’observant aucune règle ; je ferais une tragédie, moi, si je voulais, avec cette nouvelle manière de faire des vers qui ressemblent à de la prose comme deux gouttes d’eau : tout le monde pourra s’en passer la fantaisie ; il n’y a rien de plus aisé sur la terre. Si un mot me gêne dans ce vers-ci, je le mets dans l’autre, et ainsi de suite : vous suivez bien mon raisonnement ?

rodolphe. — Oui, monsieur, parfaitement.

madame de m***. — Il est fort simple.

le mari. — Et alors je parais plein de hardiesse et de génie. Allez, allez, je les connais bien tous les principes subversifs de vos novateurs rétrogrades, suivant la belle expression de M. Jouy. Est-ce de M. de Jouy, la belle expression ?

rodolphe, apoplectique et se coupant la langue avec les dents. — Je ne sais pas au juste ; je crois pourtant qu’elle est de M. Étienne, si elle n’est pas de M. Arnault ; mais, assurément, elle est d’un de ces trois, à moins cependant qu’elle ne soit de M. de Baour-Lormian ; ce qui n’a rien d’improbable.