Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/212

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singulier mot dans la bouche d’une femme, l’être le plus variable qui soit au monde. Tu resteras, Mariette.

mariette. — Je n’ai pas l’esprit qu’il faut pour disserter avec vous ; mais tout ce que je sais, c’est que je ne coucherai pas ici.

rodolphe. — C’est ce qui te trompe, ma toute belle ; tu y coucheras, et avec moi encore !

mariette. — Pour cela, non, ou je ne m’appellerai pas Mariette.

rodolphe. — Eh bien ! appelle-toi Jeanne, et qu’il n’en soit plus parlé. Sais-tu, Mariette, que tu deviens monstrueusement vertueuse ! Si cela continue, on te pourra mettre au calendrier, comme vierge et martyre. C’est pourtant quelque chose de bien ignoble et de bien rococo que la vertu, et je ne comprends pas à propos de quoi tu t’avises d’en avoir, étant passablement jolie et n’ayant guère que vingt ans. Laisse la vertu aux vieilles et aux difformes, celles-là seules font bien d’en avoir, et l’on doit les en remercier ; mais avec de beaux yeux comme ceux-ci et une gorge comme celle-là, tu n’as pas le droit d’être vertueuse, et tu aurais mauvaise grâce à vouloir l’être. Allons, mauvaise, jette là ton paquet, et ne fais plus la bégueule ; embrassons-nous, et soyons bons amis comme par le passé.

mariette. — Je ne vous embrasserai pas ; laissez-moi, monsieur ; allez embrasser madame de M***.

rodolphe. — J’en viens, et n’ai guère envie d’y retourner.