Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/232

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cher déchiqueté à jour, les aiguilles évidées, les pignons tailladés en scie, les croix à fleurons, les guides et les tarasques montrant les dents à l’angle de chaque toit, les roses des vitraux toujours épanouies, les trois porches avec leurs collerettes de saints, leurs trèfles mignonnement découpés, leurs faisceaux de colonnes élancées et fluettes, les niches curieusement ciselées et toutes folles d’arabesques, les bas-reliefs, les emblèmes, les figures héraldiques, la plus petite dentelure de cette broderie de pierre, la plus imperceptible maille de ce tulle de granit, il aurait tout dessiné sans rien voir, tellement il avait présent à la mémoire jusqu’au moindre détail de son église bien-aimée. La cathédrale, c’était sa maîtresse à lui, la dame de ses pensées ; il ne lui eût pas fait infidélité pour la plus belle des femmes : il en rêvait, il en perdait le boire et le manger ; il ne se trouvait à l’aise qu’à l’ombre de ses vieilles ogives : il était là chez lui : le fond était en harmonie avec le personnage. À force de vivre avec les colonnettes fuselées, au milieu des piliers sveltes et minces, il en avait en quelque sorte la forme : à le voir si maigre et si long, on l’eût pris pour un pilier de plus, ses cheveux bouclés ne ressemblant pas mal aux acanthes des chapiteaux.

Il avait étudié à fond l’histoire de la basilique et de sa construction ; il vous eût dit précisément à quelle année avaient été bâtis le chœur et l’abside, le maître-autel et le jubé, la nef et les chapelles latérales ; il avait constaté l’âge de chaque pierre ; il