Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/238

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Que sais-je ! un fouillis, un chaos indébrouillable, à faire tomber la plume de lassitude au nomenclateur le plus intrépide, à Rabelais ou à Charles Nodier.

Les chaises et les fauteuils avaient probablement été à Marignan avec les escabeaux de Saltabadil ; les unes étaient boiteuses et les autres manchots : pas plus de trois pieds et pas plus d’un bras.

Il n’est pas besoin de vous faire remarquer, judicieux lecteur, que cette description est véritablement superbe et composée d’après les recettes les plus modernes. Elle ne le cède à aucune autre, hormis celles de M. de Balzac, qui seul est capable d’en faire une plus longue. J’ai attifé un peu ma phrase, jusqu’ici assez simple ; j’ai cousu des paillettes à sa robe de toile, je lui ai mis des verroteries et du strass dans les cheveux, je lui ai passé aux doigts des bagues de chrysocale, et la voilà qui s’en va toute pimpante, aussi fière et aussi brave que si tous ses bijoux n’étaient pas du clinquant, et ses diamants de petits morceaux de cristal.

Je fais cela parce que l’on croirait, à la voir aller humble et nue comme elle va, que je n’ai pas le moyen de la vêtir autrement. Pardieu ! je veux montrer que j’en suis aussi capable que si je n’avais pas de talent, et je dois supposer que j’en ai beaucoup, si j’ai eu l’art de vous amener, à travers trois cents pages, jusqu’à cette assertion audacieuse et immodeste. En deux traits de plume, je m’en vais lui faire une jupe d’adjectifs, un cor-