Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

amitié toujours est-il qu’elles se faisaient valoir l’une l’autre merveilleusement bien, et je pense qu’au fond, c’était le motif de leur union apparente ; car il me semble bien difficile que deux sœurs du même âge, d’une beauté égale quoique différente, ne se haïssent pas cordialement. Il n’en était pas ainsi, et les deux adorables filles étaient toujours côte à côte dans le même coin du salon, s’épaulant l’une à l’autre avec une gracieuse familiarité, ou à demi couchées sur les coussins de la même causeuse ; elles se servaient d’ombre, et ne se quittaient pas une seule minute.

Cela me paraissait bien étrange et faisait le désespoir de tous les fashionables du cercle ; car il était impossible de dire un mot à Musidora que Clary ne l’entendît ; il était impossible de glisser un billet dans la petite main de Clary sans que Musidora s’en aperçût : c’était vraiment insoutenable. Les deux petites s’amusaient comme deux folles qu’elles étaient de toutes ces tentatives infructueuses, et prenaient un malin plaisir à les provoquer et à les détruire ensuite par quelque saillie enfantine ou quelque boutade inattendue. Il faisait beau voir, je vous jure, la mine piteuse et décontenancée des pauvres dandys, forcés de rengainer leur madrigal ou leur épître. Mon ami Ferdinand fut tellement étourdi de la déconvenue, qu’il en mit huit jours sa cravate aussi mal qu’un homme marié.

Moi, je faisais comme les autres, j’allais papillonner autour des deux sœurs, m’en prenant tantôt à