Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/289

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les épaules aussi parfaites que peut les avoir une toute jeune fille (car les belles épaules ne naissent qu’à trente ans) : bref, c’était une vraie péri !

Avais-je tort ?

Musidora avait des chairs diaphanes, une tête blonde et blanche, et des yeux d’une limpidité angélique, des cheveux si fins et si soyeux, qu’un souffle les éparpillait et semblait en doubler le volume, avec cela un tout petit pied et un corsage de guêpe : on l’aurait prise pour une fée.

N’avais-je pas raison ?

Après un second examen, je fis une découverte bien plus horrible encore que la première, c’est que je n’aimais ni Clary ni Musidora : Clary seule ne me plaisait qu’à moitié ; Musidora, séparée de sa sœur, perdait presque tout son charme ; quand elles étaient ensemble, mon amour revenait, et je les trouvais toutes deux également adorables. Ce n’était pas de la brune ou la blonde que j’étais épris, c’était de la réunion de ces deux types de beauté que les deux sœurs résumaient si parfaitement ; j’aimais une espèce d’être abstrait qui n’était pas Musidora, qui n’était pas Clary, mais qui tenait également de toutes deux ; un fantôme gracieux né du rapprochement de ces deux belles filles, et qui allait voltigeant de la première à la seconde, empruntant à celle-ci son doux sourire, à celle-là son regard de feu ; corrigeant la mélancolie de la blonde par la vivacité de la brune, en prenant à chacune ce qu’elle avait de plus choisi, et complétant l’une par l’autre ; quel-