Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/346

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discours paternel sur les hautes vertus de l’ordre de choses et l’excellence du gouvernement actuel, à qui rien n’échappe, et qui fait arrêter même les innocents, de peur de manquer les coupables.

Le réfractaire, parfaitement édifié, se retire, et, décidé à braver tout, rentre effrontément chez lui, où il vit dans le plus profond repos pendant une semaine ; car les argousins ne peuvent se figurer qu’un homme qui a dix-huit jours de prison puisse ne pas être en fuite, et le cherchent dans les quartiers les plus éloignés.

Cependant, chaque coup de sonnette lui cause un soubresaut nerveux et le fait plonger dans une armoire, où il entre en trois morceaux.

À la fin, les argousins se ravisent et reviennent se mettre de planton à sa porte.

Un beau matin, en sortant de chez lui, il sent la patte d’un garde municipal lui tomber sur le collet comme une massue ; il entend tonner à son oreille cette phrase formidable :

— Au nom du roi et de la loi, je vous arrête !

Quatre argousins, munis de gourdins monstrueux, se tiennent à distance ; la résistance est impossible ; le commissaire est là, tout auprès dans un fiacre, avec son écharpe et sa commission, rien n’y manque.

Le réfractaire est pris. Il a fallu pour cela un an de poursuites, et cinq mouchards qui auraient beaucoup mieux fait d’appliquer leur intelligence à prendre des voleurs et des assassins.

Cette résistance a coûté au réfractaire :