Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/386

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peinture à l’eau d’œuf représentant une Madone lilas tendre et un Enfant Jésus faisant une galiote en papier.

Mon succès fut immense ; mon maître, plein de confiance dans mes talents, me fit dès lors peindre dans tous ses tableaux, c’est-à-dire donner la première couche aux ciels et aux fonds. Il m’a procuré une commande magnifique dans une cathédrale qu’on restaure. C’est moi qui colorie avec les teintes symboliques les nervures des chapelles qu’on a débarrassées de leur odieux badigeon ; nul travail ne saurait convenir davantage à ma manière simple, dénuée de chic et de ficelles ; les maîtres du Campo Santo eux-mêmes n’auraient peut-être pas été assez primitifs pour une pareille besogne. Grâce à l’excellente éducation pittoresque que j’ai reçue, je suis venu à bout de m’acquitter de cette tâche délicate à la satisfaction générale, et mon père, rassuré sur mon avenir, ne me criera plus désormais : « Tu seras avocat ! »


1845.