Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/45

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vous vous livrez tout entier, et elle ne livre rien.

Mon pauvre Théodore, tu ne sais pas combien on est malheureux d’aimer quelqu’un qui n’a pas de vice ; ce sont les vices de nos amis et de nos maîtresses qui nous attachent à eux, car ils nous donnent le moyen de les flatter et de leur être agréable ; vous vous faites le valet et le pourvoyeur d’un de leurs vices, vous vous rendez nécessaire, et c’est ainsi que se nouent les amitiés les plus solides.

Votre maîtresse est gourmande, elle aime les pâtisseries délicates et les vins les plus recherchés ; vous satisfaites ses goûts, un souper fin ajoute à l’attrait d’un rendez-vous ; elle est coquette, les bijoux, les chapeaux d’Herbault, ces mille riens charmants hochets des grands enfants, qui valent si peu et coûtent si cher, vous fournissent mille occasions de lui prouver votre amour.

Elle aime les bals, les soirées, le spectacle, la musique ; bénissez le ciel ! menez-la au bal, aux Italiens, à l’Opéra, partout. Vous aurez le bonheur de la voir heureuse, et c’en est un grand, un très-grand.

Quant à Georgina, elle est incapable de distinguer une truffe d’une pomme de terre, et du vin de Tokay d’avec du vin de Brie.

Elle dit que le bal la fatigue, elle n’a pas vingt ans ; que les soirées l’ennuient ; la musique ne lui semble que du bruit, et elle ne prend aucun intérêt au spectacle ; quant à sa mise, elle est d’une rigidité de quakeresse.

— Ah çà ! c’est donc une idiote que ta Georgina ?