Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/47

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Si jamais j’ai eu franchement envie de jeter quelqu’un par la fenêtre, c’est ma divinité, quand elle me fit cette belle observation.

Jamais je n’ai pu la prendre en faute : j’ai eu beau l’épier, la guetter ; je lui ai cherché querelle de mille manières, mais sans aucun succès. J’ai souvent essayé de me brouiller avec elle pour me raccommoder ensuite, impossible !

Elle vivrait bien, même avec son mari.

J’ai cent fois résolu de la planter là ; mais encore faut-il une espèce de motif pour rompre, et je n’en ai pas ; quand j’en aurais, ce serait encore la même chose : elle me rend malheureux, elle me fait damner ; mais je l’aime, peut-être même à cause de cela.

La seule chose qui m’étonne, c’est que j’aie pu parvenir à être son amant ; je dois cela à sa nonchalance et à mon opiniâtreté plutôt qu’à son amour. Peut-être Dieu l’a-t-il permis, de peur qu’elle ne se pétrifiât tout à fait. Si je n’étais pas là pour la harceler et la tenir continuellement en haleine, la chose arriverait immanquablement avant qu’il soit peu. Oimè povero ! Au diable les femmes !

— Moi, ma maîtresse est tout le contraire de la tienne ; c’est du salpêtre, du vif-argent ; elle va, elle vient, elle n’est jamais en repos et n’y laisse personne. Le vin, le jeu, la table, les chevaux, elle aime tout. Elle est brune et petite, elle mettrait un cent-suisse sur les dents ; la moindre caresse la fait tomber en spasme, et elle veut qu’on la caresse toujours ;