Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/81

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bis, pareil au mystérieux rubis qui avait joué un rôle dans les fantasmagories de la nuit précédente. Onuphrius commençait à se sentir mal à l’aise. Tout à coup le reflet sortit de la glace, descendit dans la chambre, vint droit à lui, le força à s’asseoir, et, malgré sa résistance, lui enleva le dessus de la tête comme on ferait de la calotte d’un pâté. L’opération finie, il mit le morceau dans sa poche, et s’en retourna par où il était venu. Onuphrius, avant de le perdre tout à fait de vue dans les profondeurs de la glace, apercevait encore à une distance incommensurable son rubis qui brillait comme une comète. Du reste, cette espèce de trépan ne lui avait fait aucun mal. Seulement, au bout de quelques minutes, il entendit un bourdonnement étrange au-dessus de sa tête ; il leva les yeux, et vit que c’étaient ses idées qui, n’étant plus contenues par la voûte du crâne, s’échappaient en désordre comme des oiseaux dont on ouvre la cage. Chaque idéal de femme qu’il avait rêvé sortit avec son costume, son parler, son attitude (nous devons dire à la louange d’Onuphrius qu’elles avaient l’air de sœurs jumelles de Jacintha), les héroïnes des romans qu’il avait projetés ; chacune de ces dames avait son cortège d’amants, les unes en cotte armoriée du moyen âge, les autres en chapeaux et en robe de dix-huit cent trente-deux. Les types qu’il avait créés grandioses, grotesques ou monstrueux, les esquisses de ses tableaux à faire, de toute nation et de tout temps, ses idées métaphysiques sous la forme de petites bulles