Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/83

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pitoyables vêtements un galbe pittoresque, une tournure moins prosaïque. Il se modelait sur un beau Van Dyck qu’il avait dans son atelier, et vraiment il y ressemblait à s’y méprendre. On eût dit le portrait descendu du cadre ou la réflexion de la peinture dans un miroir.

Il y avait beaucoup de monde ; pour arriver à la maîtresse de la maison il lui fallut fendre un flot de femmes, et ce ne fut pas sans froisser plus d’une dentelle, aplatir plus d’une manche, noircir plus d’un soulier, qu’il y put parvenir ; après avoir échangé les deux ou trois banalités d’usage, il tourna sur ses talons, et se mit à chercher quelque figure amie dans toute cette cohue. Ne trouvant personne de connaissance, il s’établit dans une causeuse à l’embrasure d’une croisée, d’où, à demi caché par les rideaux, il pouvait voir sans être vu, car depuis la fantastique évaporation de ses idées, il ne se souciait pas d’entrer en conversation ; il se croyait stupide quoiqu’il n’en fût rien ; le contact du monde l’avait remis dans la réalité.

La soirée était des plus brillantes, Un coup d’œil magnifique ! cela reluisait, chatoyait, scintillait ; cela bourdonnait, papillonnait, tourbillonnait. Des gazes comme des ailes d’abeilles, des tulles, des crêpes, des blondes, lamés, côtelés, ondés, découpés, déchiquetés à jour ; toiles d’araignée, air filé, brouillard tissu de l’or et de l’argent, de la soie et du velours, des paillettes, du clinquant, des fleurs, des plumes, des diamants et des perles ; tous les