Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

écrins vidés, le luxe de tous les mondes à contribution. Un beau tableau, sur ma foi ! les girandoles de cristal étincelaient comme des étoiles ; des gerbes de lumière, des iris prismatiques s’échappaient des pierreries ; les épaules des femmes, lustrées, satinées, trempées d’une molle sueur, semblaient des agates ou des onyx dans l’eau ; les yeux papillotaient, les gorges battaient la campagne, les mains s’étreignaient, les têtes penchaient, les écharpes allaient au vent, c’était le beau moment ; la musique étouffée par les voix, les voix par le frôlement des petits pieds sur le parquet et le frou frou des robes, tout cela formait une harmonie de fête, un bruissement joyeux à enivrer le plus mélancolique, à rendre fou tout autre qu’un fou.

Pour Onuphrius, il n’y prenait pas garde, il songeait à Jacintha.

Tout à coup son œil s’alluma, il avait vu quelque chose d’extraordinaire : un jeune homme qui venait d’entrer ; il pouvait avoir vingt-cinq ans, un frac noir, le pantalon pareil, un gilet de velours rouge taillé en pourpoint, des gants blancs, un binocle d’or, des cheveux en brosse, une barbe rousse à la Saint-Mégrin, il n’y avait là rien d’étrange, plusieurs merveilleux avaient le même costume ; ses traits étaient parfaitement réguliers, son profil fin et correct eût fait envie à plus d’une petite-maîtresse, mais il y avait tant d’ironie dans cette bouche pâle et mince, dont les coins fuyaient perpétuellement sous l’ombre de leurs moustaches fauves, tant de