Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/97

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type, et rien n’était plus facile que de le prendre pour un autre.

Son costume n’avait rien de remarquable, rien d’accrochant l’œil ; il lui servait seulement à n’être pas nu. D’élégance, de grâce et de fashion, il n’en faut pas parler ; ce sont lettres closes dans cette partie du monde non encore civilisé qu’on appelle rue Saint-Denis.

Il portait une cravate blanche de mousseline, un col de chemise qui lui guillotinait majestueusement les oreilles de son double triangle de toile empesée, un gilet de poil de chèvre jaune serin coupé à châle, un chapeau plus large du haut que du bas, un habit bleu barbeau, un pantalon gris de fer laissant voir les chevilles, des souliers lacés et des gants de peau de daim. Pour ses bas, je dois avouer qu’ils étaient bleus, et si l’on s’étonnait du choix de cette teinte, je dirais sans détour que c’étaient les bas de son trousseau de collège qu’il finissait d’user.

Il avait une montre au bout d’une chaîne de métal, au lieu d’avoir comme doit faire tout bon viveur, au bout d’une élégante tresse de soie, une reconnaissance du Mont-de-Piété figurant la montre engagée.

Toutes ses classes, il les avait faites les unes après les autres ; il avait, selon l’usage, doublé sa rhétorique, il avait fait autant de pensums, donné et reçu autant de coups de poing qu’un autre. Je vous le peindrai en un mot : il était fort en thème ; du latin et du grec, il n’en savait pas plus que vous et