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LA MUSIQUE CHINOISE

Faites que, par elle, ils deviennent sincères, affables, indulgents et graves ; apprenez-leur à être fermes sans être durs ni cruels ; élevez leur esprit mais préservez-les de l’orgueil. Traduisez vos pensées par des vers et composez des chants de divers tons et de divers sons et adaptez-les aux instruments de musique. Si les huit modulations sont observées et s’il n’y a aucune confusion dans les différents modes, les hommes seront d’accord avec les esprits supérieurs. »

Kouai répondit par une pièce de vers dans laquelle est donnée la composition de son orchestre et la marche de la symphonie. Neuf instruments différents le formaient et les voix humaines en faisaient partie. Kouai le dirigeait et y jouait aussi, en virtuose émérite à ce qu’il affirme.

« Lorsque je frappe mes pierres sonores, soit doucement, soit avec force, les bêtes féroces bondissent de joie ; et la concorde règne entre les hauts dignitaires. »

Les Chinois avaient reconnu à cette époque huit corps sonores et huit espèces de sonorités, produites par le bois, le métal, la terre cuite, la soie, la peau tannée, les pierres, le bambou, la calebasse ; et de ces matières avaient été formés les instruments de musique.

La grande Lyre, ou luth, nommée Kin, est l’instrument le plus estimé. Il fut inventé par l’empereur Fou-hi, qui apparaît dans l’histoire à la limite des temps fabuleux. Le kin fut longtemps un objet presque sacré ; on disait : « Les sages ont seuls le droit de le faire vibrer : les personnes ordinaires doivent se contenter de le contempler en silence et avec le plus profond respect. Pour qui savait comprendre son sens mystérieux et symbolique, le Kin était en effet digne d’admiration ; il résumait par sa forme et ses mesures les connaissances astronomiques d’alors ; c’était un livre fermé au vulgaire, clair et simple pour le penseur. Construit d’un bois nommé « pong-mou », il était arrondi à sa partie supérieure pour représenter la voûte céleste ; la partie inférieure était plane comme la terre ; ses cinq cordes de soie répondaient aux cinq planètes et aux cinq éléments. Sa longueur totale était