Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/126

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devant une porte fermée d’un cadenas arabe, dont elles dénouèrent prestement les courroies, et qui n’était pas celle de l’hôtel d’Europe assurément. Je grimpai derrière elles un petit escalier à marches hautes, barbouillées de chaux, et dont les degrés semblaient avoir été taillés dans une masse de blanc d’Espagne. Au bout d’une courte ascension, je me trouvai dans la chambre à coucher des deux sœurs, chambre d’une simplicité toute moresque, meublée d’une rosace peinte au plafond, d’un coffre de bois colorié, destiné à serrer les habits, et d’une gargoulette de terre posée au frais sur l’appui de la fenêtre ; le soir même de mon arrivée à Constantine, je me trouvais, comme don César de Bazan, comte de Garofa, « introduit dans le sein des familles », avec cette dissemblance que je n’étais pas entré par le tuyau de la cheminée, introduction difficile d’ailleurs en Algérie.

Les deux sœurs, qui ne paraissaient nullement fatiguées des cachuchas diaboliques auxquelles elles venaient de se livrer, m’adressaient toute sorte de discours inintelligibles mêlés d’éclats de rire auxquels je répondais de mon mieux en pur parisien. Dans les instants de silence, elles mâchaient de petites boules de macis qui nettoient les dents et parfument l’haleine, soin inutile