Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/125

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Las de me fatiguer inutilement, j’allais m’asseoir sur le degré d’une porte que mon pied avait heurté, pour y attendre le jour, lorsque je vis débusquer une lanterne de l’angle d’un carrefour ; je crus d’abord que c’était mon ami qui me cherchait ; mais deux ombres élégantes qui se dessinèrent quand la lumière se rapprocha me démontrèrent bientôt mon erreur.

C’étaient Ayscha et sa sœur, qui, enveloppées de leur long haïk, s’en retournaient à leur logis. Elles parurent d’abord un peu effrayées ; mais, me voyant sans fanal et seul, elles comprirent mon embarras. Je ne savais pas un mot d’arabe, elles ne connaissaient pas un mot de français ; cela rendait la conversation difficile ; demander en pantomime le chemin de l’hôtel d’Europe n’était guère praticable ; je l’essayai pourtant, rappelant à moi tous mes souvenirs de l’Opéra, et des Funambules ; mais je vis à leurs grands yeux étonnés qu’elles ne comprenaient pas. Elles se consultèrent un moment, et le résultat de la délibération fut que la petite me mit un coin de son manteau dans la main, avec un signe qui voulait dire clairement cette fois : « Laissez-vous conduire. »

Je crus d’abord qu’elles allaient me conduire à l’auberge ; mais elles s’arrêtèrent, après quelques détours,