Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/219

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confrérie de la Dive Bouteille, en lui cerclant le front d’une branche de lierre. L’air de componction et de gravité du vénérable soulard est admirable ; les autres, plus ou moins ivres-morts, applaudissent avec un enthousiasme hébété ; ils clignent lourdement leurs yeux avinés, ils tâchent de se redresser sur leurs jambes qui flageolent, et s’affaissent comme ces outres à moitié pleines que l’on veut faire tenir debout dans un coin.

Il règne dans cette toile une ivresse naïve, une joie grossière d’orgie soldatesque merveilleusement rendues. Comme ils sont heureux d’un bonheur stupide, comme ils rient bêtement de leurs grosses lèvres épaissies par la débauche ! quelle richesse et quelle solidité de ton, quelle pâte opulente et grasse, quelle touche large et magistrale ! la peinture ne peut aller plus loin.

Citons encore la Reddition de Breda, où se pavanent les cavaliers les plus fièrement campés ; les Forges de Vulcain, où le dieu forgeron ne reçoit peut-être pas avec toute la majesté olympienne désirable l’annonce de son infortune conjugale, mais où brillent des chairs merveilleusement peintes, et différents tableaux de sainteté dont la description particulière nous mènerait trop loin. — Mentionnons en passant différentes esquisses de