Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/236

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l’air bleu de l’Attique, il y a deux mille quatre cents ans, que le marbre, doré de couches successives, a pris des tons rougeâtres, orangés, terre de Sienne, d’une vigueur et d’une puissance extraordinaires : on le dirait candi par cette ardente et riche lumière qui épargne aux ruines les lèpres de la mousse et les taches de végétations malsaines ; comme de l’argent qu’on dore, le marbre, avec le temps, est devenu du vermeil.

La façade étincelante de blancheur que l’on élevait dans son imagination, sans tenir compte des siècles écoulés, fond comme un flocon de neige sous un rayon enflammé, et l’on trouve la couleur splendide là où l’on n’avait rêvé que la belle forme ; quelques blessures blafardes, quelques éclats criards faits par les obus et les boulets troublent seuls cette chaude harmonie ; et, si un gongorisme espagnol était permis en face de cette noble sévérité athénienne, on pourrait dire que le temple divin proteste silencieusement par les lèvres blanches de ses plaies contre la bestiale barbarie de l’homme.

Ces huit colonnes, cannelées de plis droits et chastes comme ceux de la tunique de Pallas Athénê, la déesse aux yeux pers, filent immédiatement et sans piédestal du degré de marbre qui leur sert de base