Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’aux courbes harmonieusement évasées de leurs chapiteaux en s’amenuisant avec une douceur de dégradation infinie, et s’inclinant en arrière d’une façon imperceptible comme toutes les lignes perpendiculaires de l’édifice, conduites sur un rhythme secret vers un point idéal placé au centre du temple, le cerveau de Minerve ou celui même de l’architecte ; pensée radieuse devant laquelle se penchent, par un mouvement unanime d’adoration mystique inaperçu de l’œil vulgaire, les formes extérieures du temple.

Je ne puis trouver de mot plus simple, malgré sa bizarrerie, pour rendre l’ineffable beauté de ces colonnes : elles sont humaines ; leur marbre roux semble une chair brunie au soleil, et l’on dirait une théorie de jeunes canéphores portant le van mystique sur leur tête. C’est au bord du chemin d’Éleusis, quand passaient les processions sacrées, qu’Ictinus et Callicrate en ont rêvé les purs profils ; ils les ont dessinées, l’esprit plein de ces formes charmantes. Nous qui ne connaissons que la ligne droite glacialement mathématique et qui n’est, en effet, que le chemin le plus court d’un point à un autre, telle que l’emploient nos architectes pseudo-classiques, nous n’avons aucune idée de l’extrême douceur, de la suavité infinie, de la