Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une apparence rassurante de solidité ; des arcades surbaissées forment, de chaque côté de la rue, une sorte de portique ou de galerie couverte ; les toits se projettent en saillie, et sur les balcons de serrurerie très-ouvragée, qui rappellent les miradores espagnols, nous avons remarqué des carreaux de damas rouge disposés en sofa, comme si les Bernoises passaient leur vie aux fenêtres, à la façon des Andalouses et des Maltaises. Ce détail tout méridional nous a surpris et nous semble contraire aux habitudes protestantes, qui se contentent du reflet de la rue dans ce miroir appelé espion.

Les enseignes des hôtels, des magasins, des abbayes pendent à des potences de fer travaillées et compliquées d’arabesques comme les majuscules ornées de Simon Vostre ou de Pigouchet. Jamais calligraphe n’a enchevêtré des traits de plume plus libres et plus souples que ces grands parafes de serrurerie au bout desquels brimbalent sur la tête des passants les aigles, les ours, les licornes, les singes, les Mores et autres emblèmes démonstratifs à l’usage des boutiques et des auberges ; — c’est un motif de décoration charmant qui tend à disparaître et qu’on défend même, en beaucoup d’endroits, par amour malentendu de la régularité ; ces