Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/336

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penserai », le pouce frôlant l’index un certain nombre de fois, comme pour faire glisser des monnaies.

Lucien Petipa, notre collaborateur chorégraphique, eût été content de nous ; aussi, le vétéran fit une nutation de tête, empoigna notre sac qui commençait à nous peser, et se mit à marcher devant nous de son grand pas militaire, que nous avions quelque peine à suivre. De temps en temps, il s’arrêtait, tirait un cordon de sonnette, donnait de grands coups de poing contre une porte ou contre un volet, et nous attendions ; mais rien ne remuait dans les maisons endormies, et les chiens seuls répondaient du fond des arrière-cours par des aboiements plaintifs.

Quelquefois, une étroite raie de lumière, filtrant à travers les contrevents fermés, nous donnait bon espoir ; mais les portes ne s’ouvraient pas pour cela. On nous prenait pour des ivrognes ou des tapageurs nocturnes.

Enfin un logis se montra plus hospitalier que les autres : après une assez longue station sur le seuil, nous entendîmes, à l’intérieur de la maison, des bruits de pas, des grincements de verrou et des tours de clef de bon augure ; un battant s’entre-bâilla avec précaution : dans l’hiatus se modelait une bonne vieille petite