Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/40

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que, tant l’endroit avait l’air rébarbatif et mal hanté. Il faut dire aussi, pour être juste, que l’uniforme de l’officier nous rassurait un peu.

Figurez-vous une cave de sept à huit pieds carrés, à voûte si basse, qu’on la touchait presque du front, éclairée fantastiquement par le reflet d’un grand feu brûlant dans une espèce d’âtre-fourneau, près duquel le cawadji (cafetier), drôle basané à mine farouche, se tenait debout, cuisinant sa marchandise en proportion des demandes ; car, en Afrique, le café se prépare tasse par tasse, à mesure qu’il se présente des consommateurs.

Tout autour, sur un rebord en planches recouvertes de nattes, assez pareil au lit de camp des corps de garde, mais beaucoup moins large, se tenaient, accroupis ou couchés dans des poses bestiales appartenant plus au quadrumane qu’à l’homme, des figures étranges en dehors des possibilités de la prévision : c’étaient des nègres aux yeux jaunes, aux lèvres violettes, dont la peau luisante miroitait à la lumière comme du métal poli ; des mulâtres à tous les degrés possibles, de vieux Bédouins à courte barbe blanche, à teint de cuir de Cordoue, rappelant les statuettes indiennes qu’on voit chez les marchands de curiosités ; des enfants de dix à