Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/41

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douze ans, dont la tête rasée de frais se colorait de teintes bleues et verdâtres comme la chair de perdrix quand elle se faisande. — Tout cela était enveloppé de nobles haillons d’une saleté idéale, mais portés avec une majesté digne d’un empereur romain.

Dans un coin, trois musiciens étaient assis en tailleurs : l’un jouait du rebeb, violon que l’on tient entre les jambes comme la contre-basse ; l’autre soufflait dans une flûte de roseau, et le troisième marquait le rhythme en frappant sur un tambour semblable à un tamis.

La chanson qu’ils exécutaient rappelait, par les portements de voix et les intonations gutturales, les coplas andalouses ; ressemblance qui n’a rien de surprenant, puisque le peuple espagnol est à moitié arabe. L’assistance paraissait écouter avec plaisir ce concert barbare, qui eût fait se boucher les oreilles à un habitué du Théâtre-Italien. Nous avouons, à notre honte, ne l’avoir pas trouvé désagréable.

Nous nous assîmes sur la natte à côté d’un gaillard à face patibulaire, qui était peut-être le meilleur garçon du monde, et, l’officier ayant prononcé les mots : Cawa, sepsi ! un jeune enfant nous apporta du café et des pipes.

Une petite tasse de porcelaine, posée dans une autre