Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/44

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netteté sur le bleu du ciel ; les lignes redressées par le jour n’étaient pas moins singulières et en dehors de nos habitudes architecturales ; les ruelles, pour avoir perdu cet air de coupe-gorge que l’obscurité leur prêtait, avaient gardé cependant leur physionomie sauvage et caractéristique : c’était un dédale blanc au lieu d’un dédale noir, voilà tout.

Alger est comme un écheveau de fil où vingt chats en belle humeur se seraient aiguisé les griffes : les rues s’enchevêtrent, se croisent, se replient, reviennent sur elles-mêmes, et semblent n’avoir d’autre but que de dérouter les passants et les voyageurs. Les veines du corps humain ne forment pas un réseau plus compliqué ; à chaque instant, l’on se fourvoie dans des impasses, de longs détours vous ramènent au point d’où vous étiez parti. Dans les premiers temps de la conquête, les Français avaient la plus grande peine à se débrouiller dans ce lacis d’étroits couloirs que rien ne distingue les uns des autres. Des raies tracées au pinceau sur les murailles servaient de fil d’Ariane dans ce labyrinthe africain aux Thésées en pantalon garance. La rue des Trois-Couleurs a gardé ce nom des trois lignes conductrices qui rayaient les parois de ses maisons. Cependant, au bout de quelque temps, on finit par distinguer dans