Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/55

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où se vendent les comestibles et les choses de première nécessité ne sont pas moins curieuses. Les épiciers étalent à leurs montres de grosses masses de savon noir d’un aspect assez dégoûtant (les Arabes n’en emploient pas d’autre) et des sacs remplis de henné. Le henné, objet indispensable à la toilette orientale, provient des feuilles d’un arbrisseau du genre mimosa qu’on fait sécher et qu’on réduit en poudre. Les autres épices sont enfermées dans des poteries anglaises ou françaises de rebut et plus ou moins égueulées. Le sucre est à l’état de cassonade, et, la chaleur de la température empêchant de se servir de chandelles de suif, on ne vend que des bougies de l’Étoile, du moins dans les villes. Les Bédouins emploient pour s’éclairer des bouts de roseau coupés au-dessous du nœud et remplis d’une graisse dans laquelle trempe une mèche de fil. — Chose assez singulière, l’appellation d’épicier a, chez les Arabes, la même valeur moqueuse qu’en France : est-ce de nous qu’ils ont pris ce préjugé défavorable, ou bien, en effet, le débit du poivre et de la cannelle aurait-il des influences abrutissantes et béotiennes d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée ? Les Arabes de la plaine appellent les Mores d’Alger épiciers en signe de dédain.

Les boutiques de fruitiers se distinguent par des guir-