Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le commun des martyrs se loge sous des cahutes de roseaux, sous une natte ou une couverture soutenue par deux piquets ; d’autres, moins sensuels encore, se contentent pour abri de l’ombre projetée par leur chameau ou leur cheval, et tout cela, bêtes et gens pêle-mêle, broute, mange, rumine et dort dans la plus fraternelle confusion.

Plus bas encore et de l’autre côté de la route, sous les arbres poudreux qui la bordent, fument des cuisines en plein vent, où de vieilles négresses à figure de stryge, à mamelles de harpie, accommodent le couscoussou sacramentel. — Les Biskris, les Mozabites et les Bédouins se régalent à qui mieux mieux de ces préparations primitives.

C’était là que s’élevait autrefois Bab-Azoun avec ses créneaux dentelés, ses machicoulis, ses barbacanes, ses moucharabys, ses crochets pour planter les têtes ou retenir les corps des suppliciés, tout son appareil de fortification du moyen âge. L’ancienne porte a été détruite et remplacée par une double porte en arcade dénuée de style, et qui a, de plus, l’inconvénient d’être en enfilade, singulière faute pour des constructeurs militaires. On ne saurait trop regretter ces démolitions sans but et sans utilité, qui enlèvent à une ville sa