Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/102

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— Je voudrais entendre le bruit de sa respiration ; mais mon cœur bat trop Tort, je ne puis rien saisir. Ah ! cher Adrien, tu ne te doutes pas que je suis près de toi et que dans un instant je serai dans tes bras.

La lumière de la lune posait une étoile sur la clef restée en dehors.

— On dirait qu’il m’attendait, murmura-t-elle. Je vais entrer sans bruit. J’allumerai la lumière pour qu’il me voie, et je l’éveillerai. Que lui dirai-je d’abord ? Je t’aime ! Puis je lui expliquerai qui je suis. Je lui ferai comprendre qu’il ne doit pas m’aimer gravement et avec respect, mais gaiement et tout de suite, comme on aime les femmes que l’on méprise. — Oh ! non ! non ! pas cela. Je ne pourrai jamais lui dire cela. Il ne m’aimera plus s’il me méprise ! Je crois le voir ; ses sourcils s’abaisseront sur ses yeux si doux, qui deviendront terribles ; il crispera sa lèvre dédaigneusement ; il me repoussera… Allons donc ! reprit-elle en haussant les épaules, est-ce qu’on me repousse, moi ?

Elle posa sa main sur la clef. Mais elle se rejeta vivement en arrière comme si elle eût touché un reptile.

— Non ! non ! non ! je ne peux pas, dit-elle. J’aime mieux ma souffrance, j’aime mieux en mourir. Je ne veux pas qu’il m’aime comme les autres m’ont aimée.

Elle se laissa tomber à genoux près de la porte et appuya sa tête à la muraille.