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VIII


Lorsqu’elle s’éveilla le matin, elle avait la tête encore lourde, ayant beaucoup pleuré ; son corps était las et son esprit comme engourdi. Assise sur son lit, le front dans sa main, elle essayait de rassembler ses idées.

Malgré elle, une joie profonde lui emplissait le cœur : elle était aimée ! Cette pensée dominait toutes ses tristesses. La voix d’Adrien, brûlante et douce, chantait à son oreille et l’empêchait d’entendre gronder toutes les douleurs qui avaient pris possession d’elle-même. Elle écoutait cette voix, elle reprenait mot par mot les phrases qu’elle avait prononcées ; toutes s’étaient gravées en traits lumineux dans sa mémoire. Mais cette mémoire, comme un crible, laissait fuir les pensées pénibles. C’était si nouveau pour elle le chagrin ! Un homme riche, subitement ruiné, doit ainsi dans les premiers temps oublier sa misère. Lucienne oubliait. Instinctivement, elle repoussait loin d’elle la souffrance, cette nouvelle venue, et rouvrait son cœur à la joie.

Cependant, le sentiment de sa situation lui revint