Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/124

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Jenny courait à chaque instant de sa chambre à celle de Lucienne ; on entendait continuellement le frou-frou de sa robe dans le corridor. Elle venait prier son amie de lui attacher un ruban, de lui poser une fleur ; puis elle furetait sur la table de toilette, versait un parfum dans le creux de ses mains, prenait la houppe de cygne et secouait la poudre de riz sur son visage.

— Si maman me voyait ! disait-elle, en regardant avec inquiétude du côté de la porte entr’ouverte.

La toilette de Lucienne était simple et charmante ; elle se composait d’une tunique de crêpe bleu pâle, dont les plis souples retombaient sur une jupe de taffetas de même couleur ; elle avait des bleuets dans les cheveux, et autour du cou un rang de turquoises.

— Tu ressembles à un rayon de lune, lui disait Jenny en la tenant par le bout des doigts et en l’admirant de tous ses yeux.

— Toi, tu as l’air de l’aurore ou du printemps, lui répondit Lucienne.

Lorsqu’elles entrèrent au bal, l’orchestre grondait déjà ; on dansait un quadrille dans le grand salon.

Ceux qui ne dansaient pas regardèrent beaucoup Lucienne ; les hommes avec admiration, les femmes avec mauvaise humeur. Elle baissa les yeux sous ces regards qui la gênaient et l’irritaient.

— Comme je suis changée ! se disait-elle. Autrefois, ces petits triomphes de vanité étaient mes plus grands plaisirs.