— La certitude que cet instant viendra cependant, ne suffira-t-elle pas à nous faire prendre en patience les plus rudes épreuves ?
— S’il allait ne jamais venir ? Si quelque chose survenait ? si l’un de nous mourait ?
— Nous sommes jeunes et forts tous deux, nous ne mourrons pas, dit-elle. Si vous êtes aussi sûr de votre cœur que je suis sûre du mien, nous n’avons rien à craindre. L’obstacle à notre bonheur ne pourrait venir que de votre oubli.
— Tais-toi, méchante ! dit-il ; je te défends de douter de moi. Rien ne viendra me distraire de mon amour ; je vis en province, calme, retiré, je pourrai m’absorber complètement dans mes souvenirs. Tandis que toi, — à Paris, soumise à toutes sortes d’obligations mondaines, tu auras bien moins de temps à donner à ton amour. De plus, belle comme tu l’es, tu seras courtisée, et je suis jaloux en pensant que d’autres t’admireront, que d’autres te diront peut-être les mots que je t’ai dits.
— Je vous jure, Adrien, que pendant ces trois années je vivrai dans une retraite absolue. Je quitterai Paris.
— Où irez-vous ? ne puis-je le savoir ?
— À Venise, peut-être. — Voici onze heures qui sonnent, ajouta-t-elle en écoutant le timbre de la pendule.
— Mon Dieu ! est-ce donc vraiment notre dernière entrevue ? dit Adrien. Est-ce bien possible ? demain tout sera fini ; je n’entendrai plus votre voix ; je ne