Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/205

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à bien soigner l’enfant. Je vous envoie ce que vous m’avez demandé. Écrivez-moi à l’adresse ci-jointe. » L’adresse seule changeait souvent. C’était tantôt à Pétersbourg ou à Moscou qu’il Fallait écrire, tantôt à Londres, tantôt à Paris.

— Elle aimait à voyager, disait Marie ; pourtant elle n’est jamais venue jusqu’ici pour vous voir. Elle ne semblait pas bien pressée de vous reprendre, et nous n’avions jamais vu une mère laisser son enfant si longtemps en nourrice. Même nous étions souvent inquiets après votre départ, pensant que vous n’étiez peut-être pas heureuse.

D’autres fois, c’était Marie qui interrogeait Lucienne sur sa vie présente ; ce qui souvent embarrassait Lucienne.

— Vous n’êtes donc pas encore mariée ? lui demandait-elle.

— Je crois que je me marierai bientôt, répondait Lucienne.

Une fois, Marie la fit rougir en lui disant tout à coup :

— Nous pensions que vous seriez brune.

Dans le village, l’arrivée de la jeune femme, que le pays avait vue enfant, était le sujet de toutes les conversations. Chacun croyait se souvenir d’elle ; madame Bourguignon prétendait qu’elle était venue bien souvent à l’auberge dans les bras de sa nourrice, et qu’elle avait joué avec son fils.

— Je la vois encore, disait-elle.