Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/207

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— Est-il possible ! s’écria Lucienne ; elle n’aura pas même une pierre où l’on pourra lire son nom et déposer des fleurs et des couronnes ?

— J’crois que les morts se moquent ben de tout ça ! dit le père Grialvat en hochant la tête.

— Cela n’est pas sûr. En tout cas, les vivants aiment à témoigner aux morts leur affection persistante en ornant leur tombe et en venant souvent la visiter. Tenez, moi, j’aurais un véritable chagrin de ne pouvoir m’agenouiller quelquefois près des restes de cette pauvre Marie, qui m’a soignée autrefois et qui mourra dans mes bras.

— Je comprends ça, dit en se grattant la tête le père Grialvat, qui ne comprenait pas du tout. Je comprends ça ; mais comment faire ? …

— Écoutez, j’ai un terrain à moi dans un cimetière, à Paris. C’est là que ma mère est enterrée, et qu’on m’enterrera plus tard. Si vous voulez, j’y ferai porter Marie. Laissez-moi me charger de ses funérailles.

— Comment ! quand elle sera morte, vous voulez emporter Marie à Paris ? s’écria le paysan, qui crut son ancienne pupille un peu timbrée.

— Oui, elle reposera là en paix. Elle aura des fleurs, des couronnes. Pour votre fille, pour moi, père Grialvat, ne me refusez pas !

Le père Grialvat regardait Lucienne avec le plus grand étonnement.

— Ma foi ! dit-il enfin, vous êtes entrée chez nous comme une bonne fée, vous m’avez rendu ma vigne