Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/209

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fille ; elle avait des assoupissements de plus en plus fréquents ; les deux derniers jours, elle dormit presque constamment, et elle s’éteignit tout à coup, au matin, sans secousse, en poussant un soupir.

Lucienne qui était restée dans la chaumière cette nuit-là s’était endormie sur une chaise. Ce soupir l’éveilla ; elle courut vers le lit, et, en voyant les yeux vitreux et les traits livides de la morte, elle eut peur et cria pour appeler du monde. Le père Grialvat descendit du grenier où il couchait, enfilant une veste en toute hâte.

— C’est fini, elle ne souffre plus, dit-il en voyant sa fille rigide déjà et sans regard.

Et il la considéra longtemps en silence, éprouvant ce respect mêlé de terreur qu’inspire la mort.

Plusieurs voisines entrèrent bientôt pour avoir des nouvelles. Ce fut un concert de lamentations.

— Elle est morte, pauvre créature du bon Dieu !

— S’il y a un paradis, celle-là y entrera tout droit !

— Dire qu’elle nous parlait encore hier ! Mais je me doutais qu’elle trépasserait cette nuit ; les chiens n’ont fait qu’hurler au mort.

Quelques-uns pleuraient. Lucienne cachait son visage dans ses mains et pleurait aussi.

— Faut pas vous désoler, ma bonne demoiselle, lui disait-on. Vous avez fait tout ce qu’il était possible de faire pour elle ; une mère n’aurait pas eu un plus grand dévouement.

— Non, je n’ai pas fini, dit Lucienne.