Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/281

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être bonne à quelque chose ? Voulez-vous que j’appelle Bernard ?

— Non, je ne suis pas malade, dit Stéphane ; mais permettez-moi de vous faire une question.

— J’y répondrai en toute sincérité.

— Ne vous appelez-Tous pas Lucienne ?

La jeune fille fut frappée de la façon dont il prononça son nom ; il le savourait comme si ce mot eût été une caresse pour ses lèvres.

— Je m’appelle Lucienne, en effet, dit-elle très-étonnée.

L’émotion du jeune homme redoubla ; il balbutia des paroles sans suite, que Lucienne écoutait avec un commencement d’effroi.

— Vous ne pouvez comprendre, disait-il, un rêve qui se continue dans la réalité, qui prend forme tout à coup sans qu’on y soit préparé, après tant de jours, tant de luttes inutiles ! C’est comme une décharge électrique qui vous toucherait au cœur…

La fin de la phrase fut étouffée par un sanglot convulsif.

— Mais il a une attaque de nerfs ! se disait Lucienne ; est-ce possible ! un homme si plein de sang-froid et de force ! Qu’a-t-il donc, mon Dieu ! comment ma présence a-t-elle pu déterminer un tel bouleversement ?

Elle se leva pour appeler du secours, mais il la retint vivement par sa robe.

— N’appelez pas, ne dites rien, je vais mieux ; ne