Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/309

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vouée ne se démentait pas un instant ; il continuait à la conseiller et à la guider, et la jeune fille sentait croître de jour en jour la tendresse qu’elle éprouvait pour lui. Seul, le fol amour de Stéphane troublait son repos et jetait une tristesse dans sa vie ; elle ne pouvait s’imaginer qu’il allait être ainsi malheureux toujours, que pour lui l’avenir était noir, l’espérance ne l’éclairant pas.

— Non ! non ! c’est impossible, se disait-elle, il m’oubliera.

Mais en présence du jeune homme, le doute lui revenait ; il cachait cependant son amour avec le plus grand soin. On eût pu croire qu’il en avait triomphé. Mais il rayonnait hors de lui en dépit de sa volonté, il brûlait dans ses regards, qu’il détournait d’elle cependant lorsqu’elle levait les yeux vers lui. Il était trahi par le son de sa voix, par la rougeur qui lui montait au front si Lucienne prononçait son nom ou s’il effleurait par hasard la main de la jeune fille.

— Quel malheur que cette passion s’adresse à moi ! se disait Lucienne ; s’il eût aimé Jenny, comme tout s’arrangerait à merveille ! il eût été vraiment mon frère, et nous n’aurions fait qu’une seule famille.

Cette idée lui souriait tellement, qu’un jour elle parla à Stéphane de la sœur d’Adrien.

— Vous vous souvenez d’elle, n’est-ce pas ?

— Très-confusément, dit Stéphane, qui sourit comme s’il eût deviné la pensée de Lucienne.

— Pourquoi riez-vous ? dit Lucienne à moitié