Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/320

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à Madagascar, disait-il, pardon de vous avoir laissés dans l’inquiétude. J’avais le délire ; sans cela, j’aurais fait écrire. Je suis hors de danger, mais le major m’arrache la plume des mains. À bientôt, mon père, ma sœur… »

— Ah ! j’étais certain qu’un malheur lui était arrivé, disait le vieux marin, que cette lettre ne rassura qu’à demi.

Mais le courrier suivant apporta des nouvelles tout à fait bonnes. Stéphane avait repris son service. Il écrivait une longue lettre et plaisantait sur sa maladie.

M. Lemercier retrouva sa tranquillité, et Lucienne put alors se laisser aller à la joie qui commençait à emplir son cœur car le temps approchait ! Encore un été à passer, et elle était au terme de l’épreuve. Elle était folle de bonheur ; elle devenait enfant, riait et pleurait sans cause. Une journée écoulée lui donnait des frénésies de gaîté. Était-ce possible ? c’était fini !

M. Lemercier, lui, s’attristait un peu en voyant approcher le jour où il se séparerait de cette enfant adoptée par son cœur. Il avait formé cette intelligence, ennobli ce cœur, fait de Lucienne une femme instruite, vertueuse et bonne ! et maintenant elle allait partir.

Lucienne devinait ce qui se passait en lui. Souvent elle lui disait, en lui sautant au cou :

— Vous vous imaginez peut-être, père, que je vais vous laisser tout seul, vous oublier, ne plus vous