Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/78

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Il lui parla des mélodies de Schubert.

Le jour même, elle envoya une dépêche à un éditeur de musique ; le lendemain, elle eut le cahier de mélodies. Mais laquelle choisir et comment l’apprendre ? Elle alla trouver l’organiste, M. Martel. C’était un petit homme gras, aux mains courtes, à l’aspect monacal, très-myope, qui, au piano, se penchait sur la musique en faisant saillir ses coudes. Lucienne lui tendit le cahier et le pria de la mettre en état de chanter, en s’accompagnant, la plus jolie de ces mélodies. Il ne connaissait que la Sérénade ; il la lui désigna sans hésiter, et l’on se mit au travail.

Huit jours plus tard, Adrien, qui lisait un livre de droit dans un petit salon voisin de la grande salle du casino, entendit la voix claire de Lucienne attaquer avec douceur et expression la Sérénade de Schubert. Il se leva et courut vers la jeune femme, qui acheva le morceau d’une voix un peu tremblante mais sans se tromper.

— Que vous êtes charmante ! lui dit-il ; au lieu de m’en vouloir de ma brutalité, vous avez suivi mon conseil, et maintenant ce sont des perles et des diamants qui tombent de vos lèvres.

— Vous êtes content ? dit Lucienne en levant les yeux vers lui.

Il lui prit les deux mains, et, sans parler, la regarda longuement dans les yeux.

Ce regard faisait courir une flamme joyeuse dans le sang de Lucienne. Son cœur battait si fort que le