Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/133

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Hariçarman, fort embarrassé, s’inclina devant le roi, et parla ainsi :

— Grand roi, maître puissant ! tu me prends à l’improviste. Grâce à ma profonde science, en effet, nul secret ne reste voilé à mes yeux perspicaces ; je découvre ce qui est couvert, je mets au grand jour ce que les autres voudraient cacher à jamais. Donnez-moi jusqu’à demain, pour que je puisse me mettre en contact avec les astres.

Le roi le fit conduire dans une chambre du palais où Hariçarman seul devait passer la nuit.

Le vol avait été commis par une servante du palais nommée Dschihva (la langue) et par son frère. Pleine d’angoisses et craignant que le prétendu devin ne les dénonçât au roi, Dschihva alla à pas de loup vers la porte de la chambre qu’occupait Hariçarman, dans l’espoir de surprendre quelques-unes de ses paroles. Le faux devin n’avait pas moins peur que la servante infidèle et poussait des imprécations contre sa langue (dschihva) qui lui avait suscité tant d’ennuis.

Il s’écria :

— Ô dschihva (langue), qu’as-tu commis dans ta convoitise stupide !

Dschihva s’imagina que ces paroles s’adressaient à elle ; elle entra dans la chambre et se précipita aux pieds de Hariçarman, lui indiqua l’endroit où elle avait caché les joyaux dérobés, le supplia de ne pas la trahir et lui promit, s’il voulait se taire, de lui remettre tout l’or provenant du vol.

Le lendemain, Hariçarman conduisait le roi vers l’endroit où se trouvaient les pierreries, mais l’or il le garda, et dit au roi :

— Seigneur, les voleurs en s’enfuyant, ont emporté l’or.

Le roi, fort satisfait de rentrer en possession de ses joyaux, voulut récompenser Hariçarman, mais un conseiller du roi l’en empêcha et dit :

— Tout cela n’est pas naturel, ô roi ! Comment veux-tu qu’une