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Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/162

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— Hein ? Qu’est-ce que c’est ?

L’air, que la nuit avait fraîchi, le réveilla tout à fait, et il m’aperçut :

— Quel est cet éléphant ? C’est lui sans doute qui, me frôlant de sa trompe, m’a réveillé : me voudrait-il du mal ?

Il se leva, avec assez de peine. Je me mis à pousser de petits grognements

était-il mort ou dormait-il seulement ?
plaintifs et suppliants, pour lui bien montrer que je ne lui voulais aucun mal, mais qu’au contraire j’implorais son assistance. Bientôt, il n’eut plus peur.

— Je ne sais d’où tu viens. Mais bah ! qu’importe ? Ne devons-nous pas accueillir les animaux aussi bien que les hommes ? On dirait que tu veux devenir mon compagnon.

Je baissai la tête, en signe d’assentiment, comme les humains.

— Tu me sembles intelligent. Je ne suis qu’un pauvre brahmane, dans l’âpad, obligé, pour vivre, d’accepter les plus grossières besognes, et bien indignes de mon rang. Je dois sans doute expier des péchés commis dans une vie antérieure. Suis-moi, si tu veux. Tu partageras ma triste existence ; et, peut-être même, me seras-tu utile : à qui possède un éléphant on confie des travaux plus lucratifs qu’à qui s’en va seul, et n’offrant que la force de ses bras, et sa bonne volonté.

Pour lui montrer que j’acceptais de vivre désormais avec lui, je pliai un pied de devant l’invitant ainsi à monter sur mon dos ; il com-