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Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/185

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la foule par de vils exercices, et, si j’ai le malheur de laisser échapper un anneau, peut-être serai-je battu. M. Oldham m’a l’air assez bienveillant ; mais M. Greathorse me traiterait peut-être fort mal, ou tout au moins me menacerait, comme il menace les chevaux qui tournent en ce moment autour de la piste.

Pour ouvrir la représentation, en effet, il y avait un exercice équestre par MM. Crampton, Hampton et Mapton. Il s’agissait de faire sauter aux chevaux divers obstacles, et, près de la porte, je pouvais voir assez bien. M. Greathorse, debout au milieu du cirque, un fouet énorme à la main, cinglait l’air de grands coups, pour exciter les pauvres bêtes ; et quand l’une d’elles, malgré le bruit du fouet, malgré les efforts de son cavalier, faisait mine de regimber devant un obstacle, il la menaçait avec le manche du fouet ; et je voyais qu’il eût été joyeux de passer de la menace à l’acte.

Après MM. Crampton, Hampton et Mapton paraissaient les sœurs Ulverstone. Mais tandis qu’on préparait leur barre fixe, trois singuliers personnages se précipitèrent dans le cirque, l’un faisant la roue, l’autre marchant sur les mains, le troisième se désarticulant en une série de culbutes. Ils étaient vêtus d’un vêtement très ample, d’une seule pièce, bariolé de dessins bizarres : ainsi l’un avait un soleil au milieu du dos et sur la poitrine ; sur l’autre s’étalait un crapaud fantastique ; tous trois s’étaient enfariné le visage, et portaient une perruque de filasse blanche ou rouge, avec une longue mèche au sommet de la tête. Ils divertissaient le public par mille facéties extravagantes : ils échangeaient de grands soufflets, se jetaient par terre l’un l’autre, se relevaient brusquement ; ils feignaient d’aider les serviteurs qui tendaient les cordes destinées à fixer la barre, et sans cesse tombaient dans les plus grotesques positions ; et le public riait bien haut de leurs folies.

J’examinai avec soin ces trois personnages ; et sous la farine, je finis par retrouver les traits de M. Oldham, et ceux de MM. Trick et