Page:Gautier - Mémoires d'un Éléphant blanc, Armand Colin et Cie, 1894.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Fonds sur eux ! ordonna mon maître.

Je fis retentir le tonnerre de ma voix et je m’élançai hors de l’eau, la trompe haute. Les chevaux reprirent peur, bondissant, secouant le mors ; plusieurs tournèrent bride, s’enfuirent ventre à terre. Le chef, cependant, s’acharnait ; maîtrisant des éperons sa monture plus docile, il tira. La balle passa si près de la tête l’Alemguir qu’elle lui brûla les cheveux. Alors, transporté de fureur, je courus sur le soldat, et, l’ayant rejoint, je l’empoignai avec ma trompe et l’arrachai de sa selle.

Au cri qu’il poussa, au lieu de chercher à le secourir, ceux de ses compagnons qui tenaient encore, prirent la fuite. Pendant ce temps, je balançai le vaincu comme un trophée, puis je le lançai au milieu de la rivière où il tomba avec un pouf presque aussi fort que le mien de tout à l’heure. Le misérable se débattit un instant, puis fut emporté, précipité avec la cataracte.