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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

vous êtes déjà paré et godronné comme pour un bal. D’aventure, est-ce que vous avez des desseins à mon endroit ? et auriez-vous monté un coup de Jarnac à ma vertu ? voudriez-vous faire ma conquête ? Mais j’oubliais que c’était déjà fait et de l’histoire ancienne.

— Rosette, ne plaisantez pas comme cela ; vous savez bien que je vous aime.

— Mais c’est selon. Je ne le sais pas bien ; et vous ?

— Très-parfaitement, et à telles enseignes que, si vous aviez la bonté de faire défendre votre porte, j’essayerais de vous le démontrer, et j’ose m’en flatter, d’une manière victorieuse.

— Pour cela, non : quelque envie que j’aie d’être convaincue, ma porte restera ouverte ; je suis trop jolie pour l’être à huis clos ; le soleil luit pour tout le monde, et ma beauté fera aujourd’hui comme le soleil, si vous le trouvez bon.

— D’honneur, je le trouve fort mauvais ; mais faites comme si je le trouvais excellent. Je suis votre très-humble esclave, et je dépose mes volontés à vos pieds.

— Voilà qui est on ne peut mieux ; restez en de pareils sentiments, et laissez, ce soir, la clef à la porte de votre chambre.

— M. le chevalier Théodore de Sérannes, — dit une grosse tête de nègre souriante et joufflue qui se fit voir entre les deux battants de la porte, demande à vous rendre ses hommages et vous supplie que vous daigniez le recevoir.

— Faites entrer M. le chevalier, dit Rosette en remontant le drap jusqu’à son menton.

Théodore fut tout d’abord au lit de Rosette, à laquelle il fit le salut le plus profond et le plus gracieux qu’elle lui rendit d’un signe de tête amical, et ensuite il se tourna vers d’Albert, qu’il salua aussi d’un air libre