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Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/195

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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

et rapprocha les deux talons du ventre de son cheval.

Le cheval fit un bond prodigieux.

— Si ! quelqu’un, — lui dit-il, de l’autre côté de la barrière.

Rosette jeta sur l’enfant un regard singulier et rougit jusqu’aux yeux ; puis, appliquant un furieux coup de cravache sur le cou de sa jument, elle franchit la traverse de bois vert-pomme qui barrait l’allée.

— Et moi, Théodore, croyez-vous que je ne vous aime pas ?

L’enfant lui lança une œillade oblique et en dessous, et s’approcha de Théodore.

D’Albert était déjà au milieu de l’allée, — et ne vit rien de tout cela ; car, depuis un temps immémorial, les pères, les maris et les amants sont en possession du privilége de ne rien voir.

— Isnabel, dit Théodore, vous êtes un fou, et vous, Rosette, une folle ! Isnabel, vous n’avez pas pris assez de champ pour sauter, et vous, Rosette, vous avez manqué d’accrocher votre robe dans les poteaux. — Vous auriez pu vous tuer.

— Qu’importe ? répliqua Rosette avec un son de voix si triste et si mélancolique, qu’Isnabel lui pardonna d’avoir sauté aussi la barrière.

On chemina encore quelque temps, et l’on arriva au rond-point où se devaient trouver la meute et les piqueurs. Six arches, coupées à travers l’épaisseur de la forêt, aboutissaient à une petite tour de pierre à six pans sur chacun desquels était gravé le nom de la route qui venait s’y terminer. Les arbres s’élevaient si haut, qu’ils semblaient vouloir carder les nuages laineux et floconneux qu’une brise assez vive faisait flotter sur leurs cimes, une herbe haute et drue, des buissons impénétrables offraient des retraites et des forts au gibier, et